Droit des données, Pseudonymat, RGPD Par le 31/05/2023 09:19

Le Tribunal de l’Union Européenne a considéré, le 26 avril 2023, que le caractère anonyme ou non d’une donnée devait se mesurer à l’aune :

1) du seul destinataire desdites données : la possibilité pour un tiers d’identifier la personne n’entrerait ainsi pas en ligne de compte;

2) des moyens légaux et réalisables en pratique, dont il dispose pour identifier les personnes concernées.

Et ce dans une affaire opposant rien de moins que le « DPO » de l’Union, à savoir le Contrôleur Européen à la Protection des Données, à une autre instance européenne (TUE, 26 avril 2023, Conseil de résolution unique c/ EDPS, n° T‑557/20). Voilà un arrêt qui pourrait redistribuer les cartes quant au champ d’application du RGDP.

D’aucuns considèreront que le texte pourrait ainsi voler en éclat. Mais l’anonymat, au coeur du RGPD sans être défini, pose déjà de véritables difficultés d’appréciation. Certaines autorités jugent ainsi anonyme une personne masquée et camouflée derrière une veste (AZOP, 16 novembre 2021, Real Estate Agency), tandis que d’autres refusent cette qualification aux images de personnes – à l’exclusion de leur visage… – en train d’uriner (DSB, 23 août 2022, n° 2022-0.585.764).

D’autres pourront alors se demander si par cette décision, le Tribunal n’a pas souhaité, ici, donner du corps à l’adverbe « raisonnablement » utilisé par le législateur européen dans ses considérations sur le caractère identifiable d’une personne.

L’impact serait colossal.

Toute personne recevant des données strictement pseudonymisées et se voyant refuser juridiquement de pouvoir remonter à la personne concernée pourrait ainsi se prétendre en dehors du champ d’application du RGPD.

Notre Conseil d’Etat avait peut-être vu le coup venir, en réputant anonymes les témoignages, ne permettant pas l’identification de leurs auteurs, qui étayaient une sanction disciplinaire (CE, 5 avril 2023, Pôle emploi, n° 463028).

Le délai d’appel contre la décision est de deux mois à compter de sa publication. Aucun doute sur le fait que la décision du CEPD sera lourde de sens.