Le décret du 14 novembre 2014 relatif à l’obligation de certification des LAP et LAD (n° 2014-1359) n’a pas semblé émouvoir la communauté des professionnels de santé outre mesure.

 

Il comprend néanmoins une minuscule disposition qui pourrait mettre prescripteurs et pharmaciens dans l’embarras. L’article 3 dispose ainsi laconiquement : « L’article L5121-1-2 du code de la santé publique entre en vigueur le 1er janvier 2015 ».

 

Introduit dans le Code de la Santé Publique par la loi du 29 décembre 2011, l’article en question impose qu’à compter du 1er janvier 2015, toute prescription d’une spécialité pharmaceutique mentionne ses principes actifs en DCI. L’ordonnance « peut » également mentionner la dénomination de fantaisie de la spécialité, ce qui d’un point de vue légistique signifie que ce n’est pas une obligation. En légistique, l’utilisation de l’indicatif présent résonne comme un impératif, là où le verbe pouvoir introduit une simple faculté.

 

Où est le problème, donc ?

 

Un médicament est la propriété du laboratoire le fabricant. En principe, il décide donc librement du champ que couvrira l’autorisation de mise sur le marché demandée à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM).

 

Dans la pratique, cela peut se traduire par deux médicaments reposant principalement sur le même principe actif, et donc ayant la même DCI, mais couvrant des indications distinctes.

 

Par exemple, la doxycycline est le principe actif :

 

  • du doxypalu, indiqué pour le « traitement prophylactique du paludisme du voyageur dans les zones d’endémie en cas de résistance, de contre-indication ou d’intolérance à la méfloquine » ;

 

  • de la Vibramycine, indiquée pour le traitement d’une grosse douzaine d’infections bactériennes, mais apparemment pas pour le paludisme.

 

Imaginons maintenant qu’un patient consulte son médecin en prévision d’un voyage dans une zone d’endémie. Depuis le 1er janvier 2015, ce dernier doit libeller sa prescription en DCI et indiquer « doxycycline » en lieu et place du « doxypalu ».

 

Imaginons maintenant que notre patient arrive à l’officine et que le pharmacien lui délivre de la Vibramycine.

 

Quelque temps plus tard, petite visite de la Caisse pivot qui considère, au vu des autres spécialités prescrites, que la Vibramycine, du fait de son AMM, n’aurait pas dû être délivrée ou qu’elle aurait dû l’être avec la mention « Non Remboursable ».

 

Vous voyez les contours du problème se dessiner ?

 

Sommes-nous en présence d’une prescription hors AMM ? Stricto sensu, non. Le caractère hors AMM résultait ici de la délivrance d’une autre spécialité que celle initialement envisagée par le prescripteur.

 

Le produit pouvait-il être facturé à l’assurance maladie ? Le produit n’a pas été prescrit hors AMM, mais il a en revanche été délivré hors AMM. Une interprétation stricte des textes devrait donc logiquement conduire à une réponse négative.

 

Le prescripteur et/ou le pharmacien peuvent-ils se voir sanctionner ? Tout dépendra ici de la Caisse, mais dès lors qu’un produit a été délivré hors AMM, ce serait envisageable. Quant à une action en responsabilité civile à l’encontre des prescripteur et délivreur, elle pourrait être accueillie favorablement dès lors que la coopération entre les deux professionnels n’aura pas permis de délivrer au patient le bon produit.

 

Une solution peut-être ?

 

Oui, mettre ceinture et bretelle. En droit, le prescripteur n’est tenu de mentionner que les principes actifs en DCI. En pratique, il doit également spécifier le nom commercial de la spécialité qu’il a retenu pour traiter son patient. Certes, cela augmente la « charge de travail », mais ce doublonnage paraît indispensable pour garantir la sécurité juridique tant du prescripteur que du pharmacien.

 

En parallèle, il semble nécessaire également que les éditeurs de LAP élaborent une solution pour permettre à leurs utilisateurs d’utiliser leur logiciel en toute sécurité.