Quatre ordonnances prévues par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ont été publiées au Journal Officiel de ce 13 janvier 2017 :

 

 

Revenons sur l’ordonnance relative aux conditions de reconnaissance de la force probante des documents comportant des données de santé à caractère personnel créés ou reproduits sous forme numérique et de destruction des documents conservés sous une autre forme que numérique, qui était fortement attendue des professionnels du secteur. L’ordonnance crée dans le Code de la Santé Publique une section dédiée à cette force probante des documents « médicaux » et à la destruction des originaux sur support papier, après leur numérisation.

 

Champ d’application

Le nouvel article L1111-25 fixe le champ d’application de cette section : les « documents comportant des données de santé à caractère personnel produits, reçus ou conservés, à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic, de soins, de compensation du handicap, de prévention de perte d’autonomie, ou de suivi social et médico-social réalisées dans les conditions de l’article L. 1110-4, par un professionnel de santé, un établissement ou service de santé, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d’exercice ou les activités sont régies par le Code, le service de santé des armées (SSA) ou un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social.

Champ d’application extrêmement vaste, donc, mais qui pourrait également receler quelques difficultés d’interprétation.

Qu’est-ce qu’un document pourrait-on se demander en premier lieu ? Des données brutes issues d’un capteur et conservées dans un dossier patient peuvent-elles être considérées comme tel ou faut-il une structuration du document ? Cette interrogation est d’autant plus prégnante si on prend en considération le « droit à la mise en forme d’un document » (cf. infra).

Que recouvre la notion de « conservation à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic, de soins, de compensation du handicap, de prévention de perte d’autonomie, ou de suivi social et médico-social » ? Vraisemblablement, dans l’esprit du Gouvernement, la conservation est synonyme d’hébergement.

On note par ailleurs le retour de la notion de données produites à l’occasion de ces activités, partiellement disparue de l’article L1111-8 à la suite de la loi du 26 janvier 2016.

 

Conditions de fiabilité du processus de numérisation et destruction des originaux

Sur ce point, l’ordonnance renvoie aux dispositions du Code Civil, précisant que ce n’est qu’en cas de satisfaction des conditions de fiabilité y étant prévues que la copie numérique aura la même force probante que l’original sur papier.

Enfin. Enfin, la loi française permet la destruction des originaux papiers, numérisés selon un processus fiable, avant la fin de la durée légale de conservation ou la durée de conservation applicable au traitement de données concerné.

Pour les établissements soumis aux dispositions du Code du Patrimoine sur les archives publiques, l’autorisation de destruction est « soumise au visa de l’administration des archives ».

 

Une force probante désormais indifférente au support

Reprenant le Code Civil, l’ordonnance rappel qu’un document créé sous forme numérique a la même force probante qu’un document sur support papier lorsque :

  • L’auteur peut être « dûment identifié» : gageons que si la CPS est amenée à disparaître, elle sera nécessairement remplacée par d’autres dispositifs d’authentification forte afin de garantir ce point ;
  • Le document et établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité : concrètement, les professionnels et établissements devront donc recourir à des environnements dédiés à l’archivage numérique.

 

Effets de la signature

L’article L1111-28 précise désormais que la signature – comprendre « l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache » lorsqu’elle est électronique – apposée sur un document signifie, selon le cas, que :

  • La personne prise en charge a pris acte du contenu du document et, le cas échéant, y consent ;
  • Le professionnel valide le contenu du document.

 

Droit à la mise en forme d’un document

Les personnes « directement intéressées par ces documents » pourront demander à leur auteur – ou à l’établissement dont il relève – de « mettre en forme un document comportant des données de santé à caractère personnel à partir d’un ou plusieurs documents numériques existants sans en modifier le sens et le contenu, et dans le respect du secret médical et de la confidentialité des données collectées et traitées ».

Voilà un nouveau droit qui pourrait faire couler beaucoup d’encre. Clairement, l’objectif est de permettre la mise à disposition d’une synthèse du dossier médical. Mais d’autres usages seront-ils possibles ?

Par ailleurs, la notion de « personne directement intéressée » par le document ne va-t-elle pas conduire à des difficultés d’interprétation ?

 

Conservation des enregistrements

S’inspirant manifestement des normes ISO de la famille 2700x, le Gouvernement impose la conservation des enregistrements, c’est-à-dire de tout justificatif décrivant les modalités de mise en œuvre du processus de numérisation, de destruction, de mise en forme de données ainsi que la documentation afférente.

Ces enregistrements sont rendus accessibles aux personnes prises en charge et aux professionnels à l’origine de la production des documents et ils sont conservés aussi longtemps que les documents qu’ils concernent.

 

Application

Le texte renvoie enfin à l’arrêté prévu à l’article L1110-4-1 du Code le soin d’approuver les conditions d’application, notamment pour déterminer le procédé de signature adapté à la nature du document. Le texte n’est donc pas applicable immédiatement et, à l’inverse de ce qui est prévu dans l’ordonnance relative à l’hébergement de données de santé, aucune date butoir n’est fixée.